


Le tatouage peut-il être une oeuvre d'art ?
"La décision de se faire tatouer, de plus en plus commune, n'est rien d'autre que l'envie de faire l'achat d'une œuvre d'art avec laquelle on entretiendra un rapport intime et durable."
Jean-Martial Lefranc, Arts Magazine, juin 2014.
Une œuvre d'art se définit,
en tant que telle,
par son ABSENCE d'utilité
et par la subjectivité de sa conception et de l'appréciation qu'elle suscite.
Dès sa création en 2003, le SNAT considère que le tatouage créatif peut s'insérer dans cette définition, car au-delà de sa fonction décorative, il relève bien de l'expression artistique.
Pure création ou interprétation d'une oeuvre pré-existante, la démarche est celle de l'artiste : Chacun de ses tatouages est unique et relève des oeuvres de l'esprit au sens de la Propriété artistique.
A l'occasion des innombrables "conventions", les concours représentent le moment fort de l'événement : Les tatoués qui défilent devant un jury reconnu par la communauté permettent aux tatoueurs d'exposer leurs dernières créations au public et aux médias.
Si le principe intellectuel et moral est admis depuis longtemps, la peau et le corps humain, matériau et support spécifiques au tatouage, constituent indiscutablement un obstacle pour les tribunaux qui lui refusent - malgré des arguments entendus et admis* - d'être défini comme une oeuvre d'art par l'administration fiscale.
Le Code Général des impôts énumère en France, de manière précise, les oeuvres d'art, leur faisant ainsi bénéficier d'un taux réduit de TVA : En ne listant pas le tatouage, il l'exclut de fait de ce régime privilégié d'imposition.
Les démarches juridiques menées par le SNAT depuis 2003 se sont ainsi appliquées à revendiquer le tatouage au rang de la liste des oeuvres énumérées par l'article 98A de l'annexe 3 au CGI.
Ces procédures, argumentées mais longues et coûteuses, ont abouti au rejet en dernier recours du Conseil d'Etat en octobre 2013 : Désormais, seules une procédure auprès de la Cour de Justice Européenne, ou une démarche vers la Commission européenne pour agir sur la Directive TVA pourraient ouvrir de nouveaux espoirs... Sans garantie de résultat, et dans des délais indéterminés.
Suite aux premiers échanges avec le Ministère de la Culture en 2017, le SNAT renonce, pour l'heure, à l'idée de faire insérer ou accepter le terme "tatouage" au CGI, l'article 98A étant admis officieusement comme totalement désuet : Sa liste, outre qu'elle est généralement interprétée comme étant strictement "limitative", ne présente que des "formes" d'oeuvres (exemplaires matériels de l'oeuvre), et non l'oeuvre en tant que telle.
Il s'agit donc désormais de se détacher de la forme matérielle de l'oeuvre (et par la même occasion, du support "problématique" du corps ou de l'individu) pour se concentrer sur la démarche artistique du tatoueur, et ainsi sur son statut juridique, social et fiscal...
* Notamment par le biais des conclusions du Commissaire au Gouvernement Victor Haïm en 1997.
"Après tout, puisque les street artists revendiquent la rue comme support de création, les tatoueurs peuvent bien revendiquer le corps humain.
Y’a-t-il support plus beau ?
"
Hélène Planquelle, Le tatouage est-il un art ? Artsper le 4 août 2015
Comment devenir un chef-d'oeuvre vivant
"Un dessin préalable savamment travaillé, une composition vivante conçue avec harmonie et équilibre, une maîtrise totale de la ligne, une adéquation parfaite entre le motif et le corps, son support presque toujours en mouvement : voilà les caractéristiques essentielles du tatouage considéré comme un "chef-d'oeuvre"."
Daphné Bétard, dans Beaux Arts magazine, juillet 2014
Défendre le 10ème ART
Omniprésent dans les médias, qualifié de phénomène de mode depuis plus de 35 ans...
Le tatouage est loin d'être un phénomène récent : Son histoire universelle, à la fois ancestrale et contemporaine, révèle en revanche une popularité considérable depuis la fin du 20ème siècle.
À la croisée de l'imaginaire et du symbolique, le tatouage a marqué toutes les cultures du monde, des Celtes aux Japonais en passant par les Égyptiens et les Polynésiens.
On sait que les hommes de la préhistoire se marquaient déjà le corps, comme celui d'Otzï, conservé dans les glaciers autrichiens pendant plus de 5000 ans, avec ses 61 marques encrées.
Des tatouages figuratifs ont même été découverts en 2018 sur des contemporains d'Otzï.
Véritable phénomène de société depuis le début du 21ème siècle, le tatouage est aujourd'hui un art apprécié et reconnu de tous.
Le nombre de tatoués, de tatoueurs et d'événements continue d'augmenter, relayé par les multiples relais médiatiques, jusqu'aux musées du monde entier, dont les expositions attirent un vaste public.
À la question "Le tatouage est-il un art ?", 55% des français répondent Oui : 80% des 18-24 ans et 68% des 25-34 ans approuvent cette opinion. (Sondage IFOP, janvier 2017)
Tout le monde s'accorde à parler du tatouage en tant que 10ème art : La richesse des graphismes et des techniques a permis l'émergence de véritables courants artistiques, issus de toutes les régions du globe.
Ils influencent la dernière génération de tatoueurs qui, comme les photographes ou les auteurs de BD en leur temps, peinent à voir leurs créations artistiques reconnues en tant que telles par l'Etat... Qui expose paradoxalement dans ses musées nationaux "l'art du tatouage" !